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De la Bastide à Ginko …comment la ville a-t-elle changé de physionomie ?

On lui doit le Virgin Mégastore de la place Gambetta, L’hôtel de police et La Poste centrale du quartier Meriadeck et de nombreuses opérations de logements collectifs de la Métropole … Mais Jean-Bernard Lacrouts, qui officie depuis près de trois décennies dans l’agence qu’il a créé avec Philippe Massicault reste humble. Son cabinet, qu’il co- dirige avec son fils Antoine, a pourtant largement contribué à dessiner les contours du Bordeaux que nous connaissons aujourd’hui. Fort de son expérience, l’architecte a accepté de nous livrer sa vision du développement de la cité.

 

SUR QUOI PLANCHENT ACTUELLEMENT LES COLLABORATEURS DE LACROUTS & MASSICAULT ?

 

Nous travaillons notamment sur un projet d’envergure situé sur la zone aéroportuaire: le 45e parallèle. Nous y réalisons un hôtel 4 etoiles de 180 chambres, un centre de congrès, 5 immeubles de bureaux représentant 30 000m2 et un silo à voitures. Nous venons de gagner le college Jules ferry, à Merignac. Mais le travail propre de notre agence, notre fer de lance, c’est le Logement. Nous réalisons, entre 300 et 350 logements collectifs neuf par an. Il s’agit essentiellement de diffus, en pourtour du centre-ville, c’est à dire des constructions en zone non concertée.

 

VOUS ÊTES UN TÉMOIN PRIVILÉGIÉ DE LA CONSTRUCTION DE BORDEAUX COMMENT AVEZ-VOUS VU ÉVOLUER LA VILLE AU FIL DE VOS 3 DÉCENNIES DE CARRIÈRE ?

 

Ce n’est un secret pour personne, Bordeaux s’est considérablement élargie. Le premier quartier qui a fait l’objet d’une transformation, c’est la Bastide. Rappelez-vous, il y a 20 ans, l’avenue Thiers c’était

 

des voitures, des hangars et peu ou pas d’immeubles d’habitation. Le Megarama n’existait pas, la banque populaire non plus. Sur ce côté de la rive droite, on a laissé une vraie place aux végétaux, et de l’espace entre les immeubles. Des caractéristiques particulièrement flagrantes, si vous comparez l’aménagement de la rive droite à celle des bassins à flots – de la rue Lucien Faure au Lac – sortis de de terre plus récemment. La zone est bien plus dense. C’est d’ailleurs là toute la différence entre les préceptes des années 1990 (date à laquelle a été imaginée le quartier de la bastide) et des années 2000.

 

La dernière zone à avoir vu le jour, c’est Euratlantique. Mais les problématiques sont un peu différentes, car le quartier propose davantage de tertiaire que les autres quartiers. Cela découle de l’arrivée de la LGV et des velléités de la mairie de faire de la zone le nouveau quartier d’affaires.

 

POURQUOI UNE TELLE DIFFÉRENCE ENTRE LES QUARTIERS IMAGINÉS DANS LES ANNÉES 1990 ET CEUX DE 2000 ?

 

Il faut bien comprendre que tout ce qui est sorti de terre cette année, par exemple, résulte de commandes passées dans les années 2000. Le concept architectural, reposait alors sur un urbanisme dépouillé et minéral, à l’image des grandes places bordelaises que nous arpentons aujourd’hui, comme Pey Beland. C’était la mode de l’époque.

 

D’autre part, cela tient au choix des urbanistes (souvent venus d’ailleurs ) qui ont été appelés pour la création de ces nouveaux quartiers. Ces professionnels, qui avaient des réussites de plan d’aménagement d’une métropole à leurs actifs, n’avaient pas forcement connaissance des spécificités du Sud-Ouest (le climat, les habitudes de vie…), et du mode de vie qui en découle. Cela s’illustre notamment sur les espaces extérieurs public minéraux et dépouillés, et privatifs- terrasses et balcons – qui sont insuffisants de mon point de vue.

 

Mais je reste optimiste pour la suite, car nous avons basculé sur d’autres préceptes. La nouvelle génération d’architectes se tourne vers des modèles de villes où la végétation est bien plus présente. Ils se basent davantage sur des valeurs d’usage, et considèrent le cadre de vie des occupants. Sur ce point, Bordeaux est en retard…Car ce qu’on construit actuellement, qui suit cette tendance verte et valorise notre mode de vie, ne sortira pas de terre avant 2030.

 

COMPRENEZ-VOUS QUE CES CONSTRUCTIONS SOIENT LA CIBLE DE CRITIQUES DES BORDELAIS QUI LES JUGENT PARFOIS PEU HARMONIEUX FACE AU CENTRE-VILLE HISTORIQUE ?

 

En effet, j’ai souvent entendu des critiques nous reprochant d’avoir voulu densifier la ville, à l’image de ce qui avait été fait au sortir de la guerre. Mais il ne faut pas incriminer les architectes pour ces réalisations ! Les nouveaux quartiers sur-cités sont des opérations entièrement maîtrisées par des urbanistes. C’est eux par exemple qui déterminent les hauteurs, les formes des bâtiments, la largeur des voies, et la proportion d’espaces verts. Quelques fois, même, les urbanistes imposent les matériaux à utiliser, comme le Bardage au bassin à flot. Ils sont le vrai relais entre la volonté politique et le travail des architectes.

 

C’est d’ailleurs précisément pour cela, que chaque zone a son caractère. Ginko n’est pas semblable aux bassins à flot, qui ne ressemble en rien à la Bastide ou aux quais de Floirac. Pour chaque opération, l’urbaniste définit et influence la qualité et le cadre de vie de l’occupant. La marge de manœuvre de l’architecte est très limitée.

 

MAIS REFAIRE DES QUARTIERS EN PIERRE, SE SERAIT POSSIBLE AUJOURD’HUI ?

 

Pas du tout ! C’est tout à fait possible, et pas forcément plus polluant ou plus cher. Cela relève une fois de plus du choix de l’urbaniste, et / où de la décision des responsables qui délivrent les permis de construire. Quand Monsieur Fortier, architecte et urbaniste de bordeaux en diffus, décide d’utiliser la pierre, il le fait dans une volonté architecturale contemporaine, très moderne, durable, et tout a fait intégré au site bordelais. Comme

 

Mais, évidemment, il faut tenir compte des modes de vie actuels. Il aurait été impossible par exemple, de bâtir une ville de pierre sur les principes du 18e, aux bassins à flots. Nous avions besoins de stationnements souterrains, de suffisamment de place pour que les trams puissent desservir les grandes artères, des logements plus denses… et tous les équipements qui vont de pair avec les habitudes de vie de nos contemporains.