Pourquoi Bordeaux est-elle une ville basse ?

Dans un article publié sur la très belle revue “Les Cahiers de la Métropole Bordelaise”, deux maîtres de conférence de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Bordeaux expliquent aux lecteurs pourquoi Bordeaux est restée une “ville basse”…
Si vous êtes Bordelais, cela ne vous aura sans doute pas sauté aux yeux. Mais nos amis parisiens, de passage dans la belle endormie, sont eux souvent surpris par la clarté qui inonde notre ville, “à Bordeaux, on voit le soleil” font-il souvent remarquer. Et pour cause, non seulement bâtis en pierres blondes, les bâtiments de la cité girondine sont aussi, pour la plupart relativement bas.
Une caractéristique propre à l’architecture bordelaise, qui permet aux rayons du soleil de venir lécher les pavés de nos ruelles quand la météo le permet. Et ça, les parisiens n’en profitent pas tous les quatre matins, eu égard à la hauteur de leurs immeubles haussmanniens.
Mais alors, pourquoi cela?
Une légende tenace et fortement répandue pointe la qualité des sols, qui ne leur permettrait pas de porter des immeubles trop lourds. Une idée que réfutent Chantal Callais et Thierry Jeanmonod, tous deux maîtres de conférence à l’Ecole Nationale d’Architecture de Bordeaux, dans un article publié dans les “Cahiers de la Métropole Bordelais”.”Si les secteurs proches de la Garonne en aval comme en amont, ou sur la rive droite , présentent des sols peu solides, les terrasses occidentales de la ville sont constituées de bons sols (…) ”
Les deux enseignants s’attachent à démontrer que cette “mode” des échoppes qui ont été selon leurs mots,” construites sans discrimination entre bons et mauvais sols” est étroitement liée aux transformations économiques qui ont émaillé l’histoire de la ville.
Exode rurale et spéculation
Au XIXe, le passage d’une économie tournée vers le vin à une économie industrielle classique, et la crise phylloxérique qui a touché nos vignes, ont encouragé les ouvriers à venir peupler le centre-ville où se trouvaient les usines. Cet exode rural massif (la population de Bordeaux a doublé entre 1850 et 1900) entraîne une pénurie de logement, un peu a l’image de ce qu’il se passe aujourd’hui finalement. A la différence près que Bordeaux regorgeait de terrains à bâtir.
Flairant les bonnes affaires, les spéculateurs, jouissant alors des activités florissantes du port de la lune, rachètent les terrains pour les revendre à la découpe. “Achetant à l’hectare et revendant au mètre, la spéculation trouve de larges bénéfices dans les opérations aussi favorables à l’acheteur au détail“, précisent les deux maîtres de conférence.
Une fois propriétaire de leurs petits lots, les acquéreurs ont fait construire une, deux voire trois maisons individuelles pour leur famille ou pour la louer. Car, comme le précise le texte, “Ni le constructeur, ni le futur occupant n’ont la capacité financière d’une opération d’envergure“. Sans oublier que venant des campagnes, ces néo Bordelais avait la culture de la maison sur un niveau, accompagnée d’un jardin. L’échoppe devient donc la médiation entre la vie rurale et la vie citadine.